Vous voulez vraiment savoir pourquoi les vieux cons comme moi radote toujours sur le "vieux Jamendo" ? Et bien vous allez découvrir que finalement c'est pour les mêmes raisons qui font qu'aujourd'hui, même ceux qui n'ont connu que la version "orange" de Jamendo décident de se mobiliser contre Jamendo, sa nouvelle politique bien commerciale et son manque d'éthique, cristallisés dans sa nouvelle version de son site web.
Et vous allez donc découvrir ce que Jamendo a été au début, ce qu'il n'aurait jamais dû cesser d'être, et ce qui aurait pu en faire un grand du web. Et vous allez découvrir tout ça de la bouche même de son géniteur : Sylvain Zimmer. En effet, j'ai retrouvé sur Numerama une interview du tout jeune fondateur de Jamendo, accordée à Ratiatum (devenu Numerama) (lien). Je vais la reprendre intégralement et la commenter. Mais vous allez voir, normalement vous devriez pousser au moins de petits cris strident voire des hurlements caverneux à plusieurs moments, surtout en pensant à la version 3.0 de Jamendo :) Prêt ? On y va !
Ratiatum.com : Racontez-nous la génèse de Jamendo. Comment vous est venue l'idée de créer cette plateforme de musique en ligne libre, et qu'est-ce qui vous a fait passer de l'idée à sa réalisation ?
Sylvain Zimmer : L'idée de jamendo est née il y a un peu plus d'un an maintenant, alors que je cherchais dans ma boule de cristal à quoi pourrait ressembler la diffusion de musique dans les années à venir... Je ne pense pas avoir grand monde à convaincre sur Ratiatum à ce sujet, une des solutions les plus élégantes est le Peer-to-Peer allié aux licences Creative Commons. (Euuh, oui vous lisez bien : le P2P qualifié d'élégant, là où aujourd'hui il a disparu de la version 3 de Jamendo)Je suis donc parti de cela en étoffant petit à petit le concept du projet, pour apporter une voie alternative, concrète et cohérente aux artistes d'aujourd'hui.(relisez bien cette fin de phrase, et cliquez maintenant sur www.jmaendo.com, lol)
Ce qui m'a poussé à m'investir complètement dans ce projet a été la rencontre avec des groupes comme Both qui dès le début ont accueilli à bras ouverts l'idée d'une diffusion sur les réseaux P2P. A force de rencontrer toujours d'autres artistes, nous nous sommes rendus compte que bien que certains ne puissent pas passer à l'acte pour diverses raisons, rares sont ceux qui sont formellement contre le P2P et les nouveaux moyens de diffusion. A partir de cela, il était évident qu'il y avait quelque chose de grand à accomplir.
Ratiatum.com : Combien d'artistes ont déjà accepté de vous confier la diffusion de tout ou partie de leurs morceaux ?
SZ : Nous diffusons actuellement plus d'une soixantaine d'albums venus du monde entier (majoritairement d'Europe pour l'instant). Il n'y a aucune barrière à l'entrée, et nous commencons à recevoir plusieurs nouveaux albums par jour assez spontanément, ce qui est très bon signe.
Ratiatum.com : Il n'y a aucune barrière à l'entrée, ca veut dire que vous ne faites aucune sélection qualitative ?
SZ : Non, tout ce qui est "audible" (j'entends pas enregistré au fond du garage avec quelque chose comme ca ;-) est accepté par nos modérateurs, qui sont des membres de la communauté. (Stooop! des modos... membres de la communauté... qui modèrent les albums... déjà ça démontre ce que "esprit communautaire" veut dire et que Jamendo se positionnait bien comme tel en 2005, et que la v.3 en est très loooin) Dans ce sens, nous sommes plus proches de Internet Archive que de Magnatune. Bien que nous offrions de nombreux services pour aider et accompagner efficacement les artistes dans leur diffusion et leur promotion, nous sommes plus un hébergeur qu'un label. En ce sens, les artistes sont libres de se désinscrire à tout moment, n'ont aucune clause d'exclusivité, et gardent tous leurs droits sur leur musique.
La seule vraie obligation pour eux est d'envoyer des albums complets, pas des extraits promotionnels. Nous avons dès le début voulu éviter le "phénomène MTV/iTunes" qui fait que l'attention du public se tourne quasiment uniquement vers les singles, ce qui est très dommageable à la démarche artistique. (ENORME !!! Sylvain Zimmer, 7 ans en avance flinguait la v.3 de Jam', lol. Non mais franchment, qu'un Martin 'McFly' G. ou un Pierrot Gégé ose encore me dire que les "singles c'est meiux et bla,bla..." !) Toute la musique présente sur jamendo est sous forme d'albums complets, à l'exception des éventuelles pistes contenant des extraits ou des samples d'autres artistes non libres. (No coment !) Biensûr certains albums ne font que quelques titres, mais ce sont tout de même des démos qui ont été distribuées au public en tant que telles. Diffuser sa musique sur Jamendo implique donc plus d'engagement pour un artiste que d'uploader quelques MP3s sur d'autres sites, et les visiteurs apprécient beaucoup cela.(Si je pouvais encore, je ferai bien un copier/coller de Tout le paragraphe pour le mettre sur FB, pas vous ? lol)
Ratiatum.com : Vous avez une approche très professionnelle de la musique libre, avec une société, des employés, des partenaires commerciaux... Est-ce qu'il est difficile encore aujourd'hui de faire admettre que la musique libre n'est pas nécessairement une musique d'amateurs illuminés ?
SZ : Avant de démarrer le projet nous n'étions pas certains de la qualité musicale que nous pourrions atteindre. Elle a pourtant été bien au delà de nos espérances, c'est une de nos principales motivations aujourd'hui. Allez écouter les albums plébiscités sur Jamendo, et vous verrez que même s'il y a encore une marge de progression, on est très loin des amateurs illuminés !
En ce qui concerne les partenaires commerciaux, nous nous sommes fixé la borne des 100 albums pour commencer à les démarcher. Cet objectif sera atteint vraisemblablement dès cet été. Le but est de financer l'infrastructure pour pouvoir mener à bien nos nombreux sous-projets, et de pouvoir en faire bénéficier les artistes. Notre conception de ce sponsoring restera très sobre (comme sur l'actuel JamendoPRO ? ^^), la musique streamée qui nous coute cher pourra comporter quelques spots audio (au max un toutes les 3 chansons), le site web comportera une quantité raisonable de pubs (pas de pop-ups...), enfin les archives disponibles dans les réseaux P2P seront bien sûr conservées sans pub.
Nous croyons fermement à la cohabitation entre associations et sociétés. Il suffit de prendre l'exemple des distributions Linux : Fedora, Gentoo et Debian d'un côté ; Red Hat, SuSE et Mandrake/Mandriva de l'autre... Les deux modèles doivent exister, car ils se complètent. L'avantage de notre société est qu'elle prouve que la musique libre est viable, ce qui est un certain gage de qualité. Elle nous permet aussi de disposer de beaucoup plus de ressources que nous consacrons à la démocratisation de la musique libre.
J'en profite d'ailleurs pour remercier la communauté qui se forme autour de jamendo ! Certains membres ont commencé à rentrer dans l'équipe en tant que bénévoles et ont déjà apporté beaucoup de choses au projet (notre nouveau logo, beaucoup de remarques et de nouvelles idées, ...)(Oui, relisez aussi : Jamendo "doit beaucoup" aux bénévoles qu'il a "remercié" sans ménagement en 2006/2007, ainsi qu'à sa communauté qu'il a aujourd'hui "remercié" aussi en lui coupant toute parole et tout partage)
Ratiatum.com : Jamendo est-il une solution viable pour les artistes sur le long terme, ou prennent-ils davantage votre plateforme pour un tremplin vers des contrats avec des labels établis ?
SZ : Le jour où un de nos artistes se fera signer par un label, ce sera une grande réussite pour nous. Que se passera-t-il alors, retirera-t-il sa musique de jamendo ou conservera-t-il la même philosophie de diffusion ? Dans l'autre sens, nous sommes également partants pour accueillir des artistes signés dont les majors voudraient redynamiser la discographie en mettant leurs premiers albums sur le P2P. Qui vivra verra, mais nous croyons beaucoup à la complémentarité des méthodes. Vendre des CDs lors des concerts, accepter les dons, diffuser sa musique sur les réseaux P2P, signer chez une major qui veut produire des clips et financer des albums, toutes ces choses ne nous semblent pas du tout être incompatibles. C'est juste une question d'ouverture d'esprit ...
(PHOTO: quelqu'un se souvient du nom de famille de ce David ? ou ce qu'il est devenu ?)
Dans ce sens, jamendo est tout à fait viable sur le long terme. Un artiste gagne rarement beaucoup d'argent sur les ventes de ses CDs dans le système classique. Jamendo peut seulement accroitre sa popularité et donc ses rentrées d'argent principales, qui sont pour beaucoup de groupes les produits dérivés et les concerts.
Le plus de jamendo pour les artistes est d'être l'illustration parfaite de la théorie du "long tail". Au lieu d'un système qui impose des hits aux utilisateurs ("push")("Top100" ? lol), jamendo permet à l'auditeur d'accéder à une sélection de musique personnalisée ("pull")(oui genre une sélection "par durée", ça c'est classe, non ?) qui n'aurait pas forcément trouvé son public par les voies classiques (nous utilisons iRATE comme système de recommendation, celui dont s'est inspiré Indy).
Ratiatum.com : Tous les morceaux sont diffusés par P2P. Quels sont les atouts du P2P qui vous ont porté vers ce choix ?
SZ : Deux choses nous ont fait choisir le P2P : l'aspect technique et la communauté. (Non mais arrêtez, vous vous faites du mal...)
La technique est la raison évidente... La diffusion gratuite d'archives de plus de 50 Mo n'est pas réalisable sérieusement sans P2P, qui nous permet d'avoir des coûts de diffusion tendant vers zéro. Sur le plan technique, nous apprécions particulièrement BitTorrent.
Ensuite il ne faut pas oublier la communauté du P2P qui est formidable (Un kleenex ? lol), Ratiatum en est la juste illustration. Elle regroupe énormément de gens qui sont avant tout des passionnés de musique ou de cinéma, et qui ont l'esprit bien plus ouvert aux nouveautés. L'énorme communauté d'eMule en est la preuve, nous sommes d'ailleurs particulièrement heureux d'annoncer notre récent partenariat avec Razorback2, qui comme pour Ratiatum nous aide à diffuser tous nos fichiers sur eMule avec leurs 50Mbps (Razorback est partenaire de la chaîne téléchargements de Ratiatum, ndlrc). Un grand merci à eux, car Razorback2 est le bon exemple de l'interêt des grands acteurs du P2P pour un contenu constructif et légal.
Ratiatum.com : Quels sont vos projets pour l'avenir, immédiat et plus lointain ?
SZ : L'avenir immédiat, c'est la réalisation par la communauté d'un "jamzine", sous formes de chroniques d'albums où tout le monde peut contribuer sur un wiki avant leur publication en page d'accueil de jamendo. Vous êtes tous invités à y participer ! (Aah... fe-JamZine... seul restait de cet esprit de partage communautaire les critiques d'albums, maintenant eutanasiées par Jamendo lui-même)
A moyen terme, nous comptons aider de plus en plus les artistes à trouver des concerts (Oui, aider les artistes à trouver des concerts... et oui, c'est bien de Jamendo dont on parle) car cela représente encore une difficulté majeure pour eux. Nous avons déjà quelques opportunités très intéressantes qui aboutiront à des places régulières dans des festivals ou des premières parties de grands artistes... je ne peux pas vous en dire plus mais attendez-vous à quelques surprises ! (lol)
Nous prévoyons également de développer dès cet été un player audio intégrant bittorrent, irate, peercast et la médiathèque jamendo ... Ce ne sont pas les idées qui manquent, et nous sommes toujours à l'écoute de celles de nos membres.
Ratiatum.com : Un conseil d'artiste à ne pas manquer sur Jamendo ?
SZ : Il ne faut en manquer aucun biensûr ;-) Tous les genres musicaux sont représentés, il y en a vraiment pour tous les goûts ! Voici ceux qui ont récolté les meilleures critiques sur jamendo :
Both : Rock éclectique
Lonah : Hallucinations diverses et quelque peu cosmiques
Myassa : Pop-Rock français
Ehma : Minimaliste
Echo lali : Chanson pour enfants
Et à l'époque : pas de bugs, plein d'idées, de l'innovation et des ambitions. Et aujourd'hui...